Les 150 ans de la Confédération
en 2017 sont une occasion de se remémorer l'évolution du Canada à bien des
égards, et l'économie ne fait pas exception.
J’ai préparé de brefs articles
pour mettre en perspective l’histoire de l’économie canadienne. Voici le
premier portant sur l'union économique ou le marché commun.
À compter
de 1846, le Royaume-Uni est devenu libre-échangiste. Les colonies britanniques
de l'Amérique du Nord ont alors perdu leur accès préférentiel à ce marché. Pour
compenser, le gouvernement britannique a négocié pour ses colonies un accès
préférentiel pour leurs ressources au marché des États-Unis. Le Traité de
réciprocité commerciale qui en a découlé n'aura toutefois été en vigueur qu'une
dizaine d'années (1855 à 1866).
En
unifiant ces colonies en un pays, la Confédération est venue, entre autres,
établir les bases du marché commun canadien et de sa politique commerciale. Un
nouveau marché était ainsi créé. Les droits de douane, principal obstacle
artificiel au commerce à l'époque, y ont été prohibés dans le commerce
interprovincial. En outre, faute de pouvoir rétablir la réciprocité commerciale
entre le Canada et les États-Unis, le gouvernement fédéral adopta, à compter
des années 1870, diverses mesures qui en sont venues à constituer sa «Politique
nationale».
Cette
politique comportait, entre autres, une augmentation importante des droits de
douane sur les importations de produits manufacturés pour favoriser le
développement au Canada d'industries productrices de biens de consommation et
de biens d'équipement pour les besoins du marché intérieur. Elle mettait aussi
l'accent sur les infrastructures portuaires et ferroviaires ainsi que sur le
peuplement de l'Ouest canadien en encourageant l'immigration. Cette politique
façonnera le développement économique du Canada pendant des générations.
Avec le
temps, pour diverses raisons, les gouvernements ont aussi adopté des mesures
qui en sont venues à constituer des entraves internes à la libre circulation
des biens, des services ou des personnes. Néanmoins, il est relativement moins
contraignant pour les entreprises de transiger d’une province à l’autre qu’avec
l’étranger.
Le mur
tarifaire de la Politique nationale
s'est toutefois graduellement érodé à partir de la deuxième moitié du vingtième
siècle. Ont notamment contribué à cette érosion les résultats des négociations
commerciales multilatérales tenues sous l'égide de l'Accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce (maintenant partie intégrante des Accords de
l’Organisation mondiale du commerce), et l'Accord de libre-échange entre le
Canada et les États-Unis, devenu l'Accord de libre-échange nord-américain. Le
recours à des obstacles non-tarifaires au commerce a aussi été encadré par ces
divers accords.
Ces
accords internationaux ont suscité des négociations visant à améliorer l’union
économique au Canada, ce qui a donné naissance à l’Accord sur le commerce
intérieur (1995). L’Accord économique et commercial global entre le Canada et
l’Union européenne ainsi que le cent cinquantième anniversaire du Canada ont
amené les gouvernements fédéral, des provinces et des territoires à aller plus
avant en concluant l’Accord de libre-échange canadien (2017) qui entrera en
vigueur le premier juillet.
Bien
qu’il y ait eu des progrès notables, l’union économique au Canada demeure une
œuvre inachevée à certains égards. Les efforts subséquents de libéralisation
des échanges internes pourraient toutefois recevoir un coup de pouce de la Cour
suprême. En effet, la Cour a accepté d’entendre la cause d’un résident du
Nouveau-Brunswick qui a acheté de la bière au Québec pour consommation dans sa
province, ce qui y est considéré illégal. La Cour a ainsi la possibilité de
donner une interprétation moderne de la prohibition des droits de douane dans
le commerce intérieur. Son jugement pourrait donc contribuer à faire tomber des
obstacles aux échanges internes.
Bien des
politiques, stratégies ou mesures peuvent aujourd'hui avoir des conséquences
similaires à la Politique nationale
même si elles n'y sont pas explicitement associées. Pensons à la gestion de
l'offre de certains produits agricoles, aux restrictions à l'exportation de
billes de bois, aux restrictions à la propriété étrangère de banques, de
services de télécommunications ou de compagnies de transport aérien, aux
restrictions au contenu étranger chez les diffuseurs à la télévision et à la
radio, à l'exclusion de la santé, de la culture ou de l'éducation des
engagements du Canada dans le cadre des accords commerciaux auxquels il adhère.
Les programmes récents et à venir d’amélioration des infrastructures peuvent
aussi être associés à l’idée d’une politique nationale visant à améliorer les
échanges tant à l’interne qu’à l’externe, bien qu’ils n’aient pas la saveur
protectionniste des exemples précédents.
Ainsi, le
Canada, gouvernements fédéral et des provinces, continue de concilier
l’ouverture aux échanges et la protection de certaines activités de la
concurrence ou de la propriété étrangères dépendant des besoins de son économie
et de ses priorités sur le plan du développement socio-économique.
Enfin,
rappelons que la libéralisation des échanges internationaux du Canada et
l’amélioration de l’union économique canadienne étaient partie intégrante des
recommandations de la Commission royale
sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, dont
le rapport final a été publié en septembre 1985. Comme quoi ce ne sont pas tous
les rapports qui sont destinés à la «tablette».
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